Ntumi : Résistant, Manipulé ou Pion du Pouvoir de Sassou Nguesso ?

Depuis plus de deux décennies, le nom de Frédéric Bintsamou, plus connu sous le nom de Pasteur Ntumi, est associé aux conflits, aux rébellions et aux tentatives de paix dans la région du Pool au Congo-Brazzaville. Tour à tour perçu comme un chef rebelle, un homme de foi, un acteur politique ou un fantôme armé des collines du sud, Ntumi incarne les zones grises de la politique congolaise. Mais une question revient sans cesse : est-il un pion du régime de Denis Sassou Nguesso ou un acteur indépendant manipulé par le système ?

 



Un homme aux multiples visages 

Pasteur évangélique de formation, Ntumi a émergé sur la scène politique congolaise dans les années 1990 à la tête de la milice des Ninjas. Dans un Congo déchiré par des luttes de pouvoir post-conférence nationale, il devient un protagoniste incontournable des conflits du Pool. Ses armes : la religion, la guérilla et le contrôle du territoire.


La paix, mais à quel prix ? 

En 2007, après les Accords de paix, Ntumi est nommé délégué général chargé de la promotion de la paix, une fonction gouvernementale créée sur mesure. Pour ses partisans, c’est une reconnaissance de son rôle dans la stabilisation du pays. Pour ses détracteurs, c’est un achat politique de Sassou Nguesso, destiné à neutraliser un rival tout en maintenant une instabilité contrôlée dans une région frondeuse.

Cette période est marquée par une calme fragile, où le pasteur rebelle reste dans le paysage, mais en retrait, surveillé, marginalisé et parfois utilisé comme épouvantail politique.


2016 : le retour des armes et des doutes 

L’année 2016 marque un tournant. Après une élection présidentielle contestée, des violences éclatent dans le Pool. Le régime accuse Ntumi de terrorisme, des villages sont rasés, des milliers de civils fuient, et l’armée mène une répression sévère sous couvert d’opérations anti-rebelles.
Mais rapidement, des voix s’élèvent : et si Ntumi n'était qu’un prétexte pour museler la région, punir les opposants et étouffer les critiques du régime ?

Les Congolais sont partagés : certains pensent que Ntumi est bien derrière les attaques, d’autres affirment qu’il a été piégé par le pouvoir, voire instrumentalisé à son insu pour justifier une opération militaire brutale.


Manipulation ou collaboration stratégique ? 

La vérité semble se situer entre les deux extrêmes. L’histoire de Ntumi est celle d’un homme qui a négocié avec le pouvoir, parfois au prix de son intégrité, tout en gardant une influence locale réelle dans le Pool. Il n’est peut-être ni un pion docile, ni un résistant pur et dur, mais un acteur politique habile, jouant de son statut pour survivre et peser.

C’est aussi le reflet d’un système politique congolais où le flou, les deals secrets et les trahisons sont les règles du jeu. Sassou Nguesso, maître du pouvoir depuis des décennies, a souvent su coopter ses ennemis, les affaiblir ou les retourner contre eux-mêmes. Ntumi n’aurait donc pas échappé à cette logique.


La vraie question : à qui profite Ntumi aujourd’hui ? 

S’il est vrai que Ntumi a combattu Sassou, il est aussi vrai que son image a souvent servi le régime, volontairement ou non. Il a divisé l’opposition, justifié des répressions militaires, et contribué à désorienter une jeunesse en quête de repères.

Aujourd’hui, Ntumi reste un personnage mystérieux. Peu visible, peu audible, son silence laisse place aux interprétations. Certains le considèrent comme hors-jeu, d’autres comme une carte toujours active du régime dans les moments critiques.


Conclusion : ni ange, ni démon 

Frédéric Bintsamou, alias Ntumi, est un produit du système qu’il prétend combattre. Il incarne à la fois la résistance populaire et la récupération politique, la foi religieuse sincère et le calcul stratégique, le mythe d’un chef du peuple et la réalité d’un acteur utilisé dans des jeux d’intérêts complexes.

Qu’il ait été manipulé, qu’il ait collaboré volontairement, ou qu’il ait tenté de naviguer dans un champ miné, Ntumi reste un symbole fort : celui d’un Congo où les lignes entre résistance et compromission sont floues, où la paix est souvent une paix d’apparence, et où les figures populaires peuvent devenir des instruments de domination.


Le peuple congolais mérite la vérité. Pas des figures qu'on glorifie ou qu'on diabolise à tour de rôle, mais une transparence réelle sur les jeux de pouvoir qui ruinent l’avenir de toute une nation. 

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